Wilderness sleep outs
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Thibaud

L’expérience la plus dingue de ma vie

Je crois que jusqu’à la fin de mes jours je me rappellerai de cette nuit-là.
Nous étions en septembre 2016. Depuis deux semaines je travaillais comme volontaire dans une réserve en Afrique du sud.
C’était la première fois que je mettais les pieds en pleine savane. Et chaque jour était un émerveillement sans nul autre pareil.
Mais je ne m’attendais certainement pas à vivre ce que j’allais vivre.
Ce matin-là, Katie la manager du programme de conservation tient à annoncer quelque chose, à nous volontaires.
Réunis dans le salon, nous remarquons qu’elle a le sourire aux lèvres.
Quand tout à coup, elle nous lance : « Les gars ce soir nous ne dormons pas ici. Nous partons passer la nuit à la belle étoile ».

Après le déjeuner, dans une bonne humeur collective, nous commencons alors à faire notre paquetage pour la nuit qui nous attendait.
Sac de couchage, oreiller, lampe torche, ustensile de cuisines, nourriture, boissons, des jeux de cartes et même un ballon de foot ; j’avais l’impressions que nous partions pour une expédition de plusieurs semaines.
Vers 17h, le coup d’envoi est donné. Mes 8 camarades et moi, accompagnés de Kate et Eddie nos responsables, nous prenons en voiture la direction de notre bivouac.
Après 1h de route, dans une savane sublimée par les derniers rayons du soleil de la journée, nous arrivons à proximité d’une rivière à sec.
Avant que nous puissions descendre du véhicule, Eddie décide de partir inspecter le coin pour voir s’il n’y a pas de danger.
La seule chose qu’il remarque ce sont des traces fraiches de pas de lion à quelques mètres à peine de la voiture.
Cela ne décourage pas nos responsables pour autant puisqu’ils nous annoncent que nous pouvons camper ici ce soir.


Pendant une vingtaine de minutes nous nous occupons à décharger la voiture et à préparer le bivouac. Ce qui implique d’installer les sacs de couchage, de faire un feu de camp et d’aller creuser un trou pour nos WC d’un jour.
En attendant que le soleil se couche, nous improvisons un petit match de foot, buvons quelques bières et observons les étoiles apparaitre les unes après les autres dans le ciel.

A cet instant-là, le temps est suspendu. Je réalise la chance que j’ai de vivre cette expérience.
Une fois la savane plongée dans le noir, l’heure est venue pour nous de passer aux fourneaux en mettant la viande, les légumes et la pâte à pain à cuire sur la braise bien rouge.
Pendant le repas, Eddie tient malgré tout à nous rappeler que nous sommes en pleine brousse et que les animaux sauvages sont ici chez eux ; qu’à n’importe quel moment une harde d’éléphants, une tribu de lions ou bien un hippopotame peut débarquer sur notre camp. C’est alors qu’il vient à nous expliquer comme va se passer la nuit. Par binôme, nous allons à tour de rôle surveiller le bivouac en réalisant des rondes à l’aide de nos lampes torches.
C’est un tirage au sort qui va déterminer à quelle heure nous allons devoir veiller.
Malheureusement pour moi et ma compère Johanna, notre veille (appelée Night Watch) aura lieu entre 2h et 3h du matin.


Avant d’aller jouer aux gardiens, je décide malgré tout de dormir quelques heures dans mon sac de couchage.
Autant chez moi, je trouve le sommeil en quelques minutes, autant ici en pleine savane il m’est très difficile de lâcher prise.
Il y a beaucoup de bruit autour de nous. Les oiseaux, les singes, et même un rugissement de lion à plusieurs kilomètres de là.
Il n’y a absolument aucune barrière entre le monde sauvage et moi. C’est à la fois beau et un peu angoissant quand même.

Finalement je finis par m’endormir mais 3 heures plus tard, l’un de mes camarades vient me réveiller :
« Thibaud c’est ton tour ! »
Avec Johanna nous passons donc 1h30 autour du feu. Juste elle et moi. Le reste de l’équipe dort à poing fermés.
Ce qui me marque le plus c’est avant tout la clarté absolue du ciel. A aucun moment de ma vie je n’ai eu la chance de voir autant d’étoiles, de constellations…tout apparait net. Aucune pollution lumineuse ne vient entacher le spectacle.
Ce moment-là me rappelle cette scène du Roi Lion où Simba voit apparaitre le fantôme de son père Mufasa dans le ciel.
Je m’en viens alors à penser à l’autre hémisphère. Là où tout s’agite. Là où les villes ne dorment jamais.
Je suis à mille lieux de tout ça.
Ma préoccupation à ce moment-là est de surveiller le camp de l’arrivée de bêtes sauvages.
la prudence est la pièce maitresse de cette nuit-là.
Toutes les 15 minutes, Johanna et moi allons scruter avec nos lampes torches les buissons.
La lumière de nos appareils permet en effet de voir si des yeux brillent dans le noir. C’est ce qu’on appelle le principe de réflexion.
Rien à signaler pour nous. Pas même une antilope.
Une fois notre tour de garde terminé, nous regagnons chacun notre sac de couchage.
Mais juste pour 1 heure…car à 5h30 les premiers rayons du soleil viennent nous sortir progressivement du sommeil.
Ce réveil a des airs de premier matin du monde.
Je me sers un café bien fumant dans une tasse en inox. Devant mes yeux, la savane se remet en route en sortant peu à peu de sa torpeur. Nous aussi par la même occasion.
Malgré le peu de sommeil, je viens malgré tout de passer la plus belle nuit de ma vie.

Dormir à la belle étoile, c’est aussi savoir allumer un feu sans briquet, ni allumette.

Thibaud